Télévision et Justice : Une trajectoire médiatique controversée ?

Pour comprendre ce que la télévision nous apprend de la justice, il est pertinent, me semble-t-il, d’observer les lignes de force de leurs relations – nombreuses, diversifiées et controversées – et d’en définir leurs natures. Tout en adoptant une perspective sémiotique, je me propose de mettre en lumière quelques-unes d’entre elles à travers le documentaire, diffusé sur France5 dans le cadre de l’émission Le monde en face, le 7 février 2017, Des juges et des enfants, réalisé par Cyril Denvers. Commande de l’institution judiciaire, ce documentaire contribue, à sa manière, à rénover l’image de la justice française qui traverse une longue crise de confiance et de légitimité. Ce projet documentaire vise à montrer comment la figure du juge symbolise celle de la protection et non plus seulement celle de la sanction. Novatrice et très en vogue dans les documentaires actuels, cette représentation de la figure du juge s’éloigne de celle très souvent représentée comme étant désincarnée ou du côté de l’application stricte du droit. Ce sont principalement les fictions qui ont répandu cette représentation révolue. En effet, nous pouvons constater que ces trente dernières années, la justice constitue un cadre fictionnel très investi notamment par les séries télévisées policières. Parce que, comme le souligne Philippe Lemaire, Procureur général de la cour d’appel d’Amiens (Hauts de France), « la fiction est un formidable moyen d’accéder à la connaissance du travail de la justice. Elle demeure un bon outil pédagogique. Mais selon lui la figure du juge est trop figée. Il est très souvent assis derrière son bureau, derrière une pile de dossiers. Il ne fait rien d’autre que cela ». Pour lui, il faut à tout prix gommer cette image loin de la réalité. Et de ce point de vue, le documentaire de Cyril Denvers participe à la construction d’une image plus dynamique et humaniste du juge. Par ailleurs, il faut noter que cette nouvelle orientation n’est pas sans provoquer un certain nombre de remous et de débats tumultueux au sein des professionnels de la justice. Rappelons que les affinités particulières entre la justice et la télévision reposent souvent sur le fait qu’en tant que média d’information, la télévision transforme la matière des événements (factuels, discursifs, etc.) en discours d’information par le biais de ce qui est couramment appelé le traitement de l’actualité. La représentation audiovisuelle ne vise pas seulement à l’innovation créatrice, mais se doit d’assurer aussi la reproduction de l’existant : les images documentaires tiennent à la fois d’un projet énonciatif intentionnel et d’une empreinte du réel. Sous le regard de l’institution judiciaire, c’est à la croisée de ces deux logiques contradictoires que le documentaire est pris sans cesse dans cette tension entre la représentation et la reproduction, entre sa nature de discours et sa finalité d’attestation du réel. La conception du réel est davantage une promesse que fait le réalisateur à son public, elle ne peut être complètement effective, en particulier dans un lieu si spécifique comme un tribunal.
País: 
Francia
Temas y ejes de trabajo: 
Semióticas de los lenguajes visuales, sonoros y audiovisuales
Semiótica de las mediatizaciones
Institución: 
Université de Lille-Hauts de France
Mail: 
yannickelebtahi@orange.fr

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Accepted
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